Les fédérations sportives doivent se réinventer. Entretien avec Ludovic Mariette, responsable de l’activité Conseil au sein du cabinet Sport Value.
——-
Le Ministère des sports vient d’annoncer un budget en hausse de 9,8% pour l’année 2020. Concrètement, est ce que cela aura un impact pour les fédérations ?
Ludovic Mariette: La hausse de près de 63 M€ du budget du Ministère des sports est directement fléchée sur la ligne « contribution de l’état aux équipements en lien avec les jeux Olympiques et Paralympiques ». Aucun impact donc pour les fédérations pour l’année 2020 et probablement les années suivantes. Cela confirme, s’il était encore nécessaire, que les fédérations devront s’autofinancer davantage pour consolider leur modèle économique. Un nouveau modèle est urgent à mettre en place.
Le modèle des fédérations sportives se trouve confronté aux transformations de notre époque, comment y faire face ?
Dans l’autofinancement des fédérations, il y a la part fédérale des licences. Or tous les acteurs savent pertinemment que la pratique sportive évolue :
– les pratiques hors cadre fédéral explosent : communautés numériques, opérateurs lucratifs, courses et manifestations organisées par des entreprises commerciales, sport au sein de l’entreprise…
– les pratiques dans le giron fédéral sont de moins en moins orientées vers la compétition : dès lors, les pratiquants et les dirigeants de clubs eux-mêmes ne voient aucun intérêt à souscrire à une licence fédérale.
En parallèle de leur mission d’organisation des compétitions, les fédérations et leurs organes déconcentrés doivent se transformer en véritable centres de services mutualisés pour les clubs et les pratiquants : développement d’outils numériques, conseil et appui au financement d’équipements, formations innovantes pour les animateurs/entraîneurs, stratégie de marque via les labels, accompagnement des clubs aux changements… Cela n’est pas simple pour ces organisations qui ont finalement peu de moyens de persuasion (gouvernance, juridique) avec leurs structures affiliées.
Comment reconquérir les pratiquants qui sont éloignés du cadre fédéral ?
Pour reconquérir ce public, il faut que les fédérations et leurs clubs prennent conscience que les pratiquants viennent aujourd’hui consommer un service sportif. Et donc, et c’est un pléonasme, qu’ils doivent offrir un véritable service sportif dans toutes ses dimensions : parcours client (accueil, accompagnement, étude de satisfaction…), facilité d’accès à la pratique, zéro contrainte, outil numérique pour la pratique et être en lien avec son club, formats innovants et variés d’activités, équipement qui est un lieu de vie et non pas juste un lieu de pratique.
Et pour cela nous sommes convaincus que les fédérations doivent, dès à présent, construire un nouveau modèle dans lequel les clubs seront beaucoup plus intégrés (antenne, franchise, licence…) à la structure juridique de la fédération. Nous travaillons d’ailleurs avec plusieurs fédérations qui ont bien compris que ce changement de modèle est inéluctable sans quoi elles disparaîtront.
L’intégration d’une logique de « business model » au sein des fédérations semble toujours inquiéter les dirigeants, pourquoi ?
Par ce que ce n’est pas dans leur culture : il faut bien rappeler que l’organisation du sport en France est issue de l’après seconde guerre mondiale dans lequel le sport était un service public. Et comme le sport est très conservateur, dans l’univers professionnel comme amateur, le changement prend du temps. Au quotidien, lors de nos missions avec les acteurs du monde fédéral, nous provoquons ce changement et la mise en place d’actions efficaces. Nous notons d’ailleurs avec satisfaction que la situation s’améliore et que les fédérations s’ouvrent de plus en plus aux outils managériaux modernes.
Sport Value signe également une tribune à ce sujet sur le site des Echos.
Fédérations sportives : se transformer pour survivre https://t.co/BeqUumyFqW
— Les Echos (@LesEchos) October 3, 2019